Le clochard

Il a toujours le même regard,

-c’est la première fois qu’on s’étonne-

Personnage hirsute et hagard,

C’est une autre fois que l’on donne.

Sa tête de bon vieux clochard

Classée au dossier SDF,

-dans notre tête pas de bazar-

Une vie à part, enfin bon, bref.

Y a d’la poésie dans sa trogne ;

On se rappelle, y a bien cent ans,

Maman disait « c’est un ivrogne ».

Colère émue d’un cœur d’enfant.

Il se réincarne partout :

Pittoresque à l’accordéon,

Tendre avec son bon gros toutou,

Comme accusé, sous les néons.

Soudain je vois l’immense fresque :

Il est unique, ubiquité.

Personnification grotesque

D’une invincible déité.

Sa tête ne doit rien au hasard :

Ange déchu, enfant tombé,

Élan de vie défiguré,

Bête habillée ou homme sans fard ?

Il a toujours le même regard.

Vain écho de vanités,

Peur des peurs, humanité.

Vie décalée d’un petit quart.

Il a toujours le même regard

Car il faut que le monde s’étonne

Lorsqu’il croise l’un de ces miroirs

Montrant la vie qu’on abandonne.

En dedans autant qu’à côté.

Hélène Bourgeais

2013